Publié le 20/05/2022 par Véronique Méliot | Mis à jour le : 02/12/2024 | 9 min de lecture
Sujets : Géomarketing, Implantation, Zone de chalandise
Cannibalisation des zones de chalandise : comment la détecter et que faire ?
Lorsqu’on dispose d’un réseau de points de vente ou d’agences, la performance de l’entreprise dépend en grande partie de son maillage. Bien couvrir ses clients et ses prospects est essentiel pour atteindre ses objectifs, développer son activité et conserver une satisfaction client élevée.
Dans ce contexte, il ne suffit pas de disposer de nombreux points de vente ou agences. Il faut qu’ils soient localisés de manière judicieuse, non seulement pour bien couvrir le territoire, mais aussi pour éviter un piège important : la cannibalisation des zones de chalandise.
Découvrons ensemble ce qu’est la cannibalisation des zones de chalandise, quand et comment la déceler, et ce qu’il est possible de faire pour y remédier.
Tout d’abord qu’est-ce qu’une zone de chalandise ?
Avant de parler de cannibalisation, rappelons d’abord ce qu’est une zone de chalandise. Il s’agit de la zone d’influence (ou d’attraction) d’une enseigne, c’est-à-dire de la zone d’où proviennent ses clients.
Elle est souvent découpée en trois sous-zones :
- la zone primaire, dont est issue la grande majorité des clients,
- la zone secondaire, plus éloignée, avec une attractivité moyenne,
- la zone tertiaire, encore plus éloignée, avec une attractivité faible, mais qui présente des opportunités de développement si on fait des campagnes de marketing/communication efficaces.
On peut, pour simplifier, dire que la zone primaire correspond à une zone d’accès à 10 minutes en voiture, la secondaire à un accès à 15 minutes et la tertiaire à 20 minutes. La réalité est plus complexe, car le temps d’accès à prendre en compte dépend entièrement de la nature de l’enseigne. Par exemple, une boulangerie va avoir une zone de chalandise assez réduite (en zone primaire, les gens habitant à moins de cinq minutes à pied), tandis qu’un magasin spécialisé (robes de mariée, magasin de tissus, pour donner des exemples de petites structures), vont drainer du public de façon plus large, les gens étant prêts à faire plus de chemin pour s’approvisionner. C’est pareil pour des grandes enseignes comme Leroy-Merlin, qui peut drainer le public de toute une ville moyenne, plus celui des petites villes alentours.
Lorsqu’on représente une zone de chalandise, il peut s’agir :
- d’une zone de chalandise réelle, s’il s’agit de celle d’une implantation existante. On situe en effet les clients, dont on connaît la localisation grâce à un ensemble de données (CRM, cartes de fidélité, adresses sur les chèques, enquêtes en caisse…)
- d’une zone de chalandise théorique pour une nouvelle implantation (ou celle d’un concurrent si on veut étudier son influence) : on représente alors une zone d’accès, soit selon une distance (isodistance), soit selon un temps de déplacement (isochrone). Les zones isochrones sont à privilégier, car les consommateurs réfléchissent davantage en termes de temps de trajet que de distance à parcourir.
Exemple de zone de chalandise théorique, à 20 minutes d’accès autour d’un site potentiel près de Rouen
Dans ce cas d’étude, une entreprise de contrôle technique cherche à s’implanter et étudie la zone de chalandise en tenant compte de plusieurs critères : données socio-démographiques (nombre de personnes majeures susceptibles de conduire), de données de marché (nombre de véhicules Crit’Air 2 ou plus, devant passer le contrôle technique régulièrement), et données entreprises : nombre de concurrents, nombre d’entreprises cibles.
Qu’est-ce que la cannibalisation des zones de chalandise ?
Maintenant que nous avons établi ce qu’est une zone de chalandise, quand parle-t-on de cannibalisation ?
Il s’agit d’un espace où les zones de chalandise de différents points de vente appartenant à la même marque se recouvrent. Ces points de vente se partagent donc les clients et les prospects, ce qui représente un obstacle à leur performance. En effet, cela divise le chiffre d’affaires entre les implantations. Mais ce n’est pas tout : en plus de la perte de CA, il faut aussi prendre en compte tous les coûts de gestion qui s’ajoutent (par exemple, le loyer), pour mesurer tout le manque à gagner que cela représente.
C’est une problématique que rencontrent souvent les réseaux d’agence, ou de franchises, qui cherchent à étendre leur couverture territoriale sans gêner les implantations déjà existantes.
La cannibalisation des zones de chalandise est souvent le résultat d’une trop grande proximité géographique entre les points de vente d’une même enseigne, ou d’offres qui ciblent le même public.
Exemple de cannibalisation entre deux agences – en rouge. Les zones vertes et bleues représentent la zone de chalandise des deux sites, calculée en tenant compte des communes correspondant à des zones d’accès isochrones de 20 minutes. La zone rouge correspond aux communes couvertes par les deux zones d’accès (zone de cannibalisation).
Il faut cependant noter que la proximité géographique entre deux points de vente ou de services ne sera pas forcément un problème selon le type de commerce. Pour reprendre notre exemple de boulangeries, une proximité entre plusieurs implantations ne sera pas forcément un obstacle à leur réussite. En effet, le potentiel de marché pour ce type de commerce est énorme : tout le monde achète du pain et mange des croissants le matin. En revanche, pour une boutique de robes de mariées, non seulement la zone de chalandise est assez étendue, mais le marché est beaucoup plus réduit (essentiellement des femmes relativement jeunes). Donc des enseignes trop proches vont réellement se faire concurrence et diviser leur chiffre d’affaires.
De la même façon, des implantations proches peuvent ne pas se cannibaliser car elles proposent des offres différenciées. Ou encore, elles peuvent drainer un public différent selon les particularités du terrain, les transports disponibles, les flux de personnes dans la journée…
Quand et comment détecter la cannibalisation des zones de chalandise ?
On repère de potentielles cannibalisations lorsque l’on représente les zones de chalandise sur une carte, ce qui arrive notamment lorsqu’on envisage une nouvelle implantation. On représente la zone de chalandise théorique rattachée à l’implantation envisagée, ainsi que les zones de chalandise réelles des implantations déjà existantes. Cela permet de visualiser sur la carte des recouvrements.
En pratique, lorsqu’on a trouvé un site que l’on pense porteur, on représente une zone isochrone autour de ce site (on crée la zone de chalandise théorique), et on agrège des données de marché dans cette zone afin d’évaluer son potentiel :
- données socio-démographiques et de consommation si la cible est B to C,
- données sur les entreprises pour visualiser la concurrence et évaluer son impact sur une future implantation. Dans le cas d’une cible B to B, on représente aussi le potentiel de la zone.
On localise également les clients déjà existants à proximité, les autres implantations de la marque et leur zone de chalandise. En comparant les différentes zones, on se rend ainsi compte si l’emplacement envisagé risque de cannibaliser les emplacements déjà existants, et dans quelle mesure. On peut également localiser les concurrents pour évaluer le potentiel final de la zone.
Exemple d’analyse de cannibalisation entre plusieurs zones de chalandise, mettant en avant les clients contenus dans les différentes zones
Outre des études d’implantation, il existe d’autres situations où on est susceptible de visualiser des cannibalisations :
- Lorsqu’on cherche à rationaliser son maillage existant,
- Lorsqu’on cherche à agrandir sa zone de chalandise ou à gagner des parts de marché et qu’on cherche les meilleurs endroits pour lancer des campagnes marketing ou de communication.
Que faire quand des zones de chalandise se cannibalisent ?
Si vous avez des enseignes déjà implantées, et que vous vous rendez compte que leurs zones d’influence se recoupent, que faire ?
D’abord, il faut bien garder en tête que ce n’est peut-être pas une catastrophe. Ce n’est pas parce qu’on repère une zone de cannibalisation qu’il faut paniquer. Il faut d’abord calculer l’étendue du problème. Il est possible que la cannibalisation paraisse importante sur la carte, mais que cela ne représente qu’une part minimale de l’activité. Auquel cas, cela coûtera plus cher de chercher à régler le problème que de laisser les choses telles qu’elles sont.
Avant d’agir, il convient de vérifier plusieurs éléments :
– Est-ce que votre chiffre d’affaires réel est très éloigné de votre chiffre d’affaires prévu pour les implantations concernées ?
– Vos objectifs ont-ils été atteints ?
– Est-ce que le chiffre d’affaires réalisé par vos différents points de vente est à peu près équivalent, ou est-ce que l’un d’eux a des résultats très en-dessous des autres ?
– Combien de vos clients sont concernés, et se rendent tantôt dans l’un, tantôt dans l’autre point de vente (les clients « volatiles ») ? Quelle part de votre chiffre d’affaires cela représente-t-il ?
En répondant à ces questions, il est possible que vous déterminiez que la cannibalisation entre vos zones de chalandise n’a rien de bien grave, et qu’il n’est pas forcément nécessaire d’agir. Bien sûr, il faudra surveiller pour éviter que la situation ne se dégrade.
En revanche, s’il s’avère que les objectifs ne sont pas atteints, qu’un point de vente obtient des résultats très en-dessous des autres, ou que le chiffre d’affaires réalisé n’est pas à la mesure des prévisions, alors la cannibalisation nuit sans doute à votre réseau et il faudra prendre des mesures.
On peut par exemple :
- Réaliser des actions de communication ciblées selon les endroits pour pousser les clients à privilégier un point de vente spécifique selon leur provenance (tout en réalisant en parallèle des actions pour gagner de nouveaux clients),
- Différencier les offres des points de vente afin de cibler des publics différents (et complémentaires),
- Si cela n’est pas suffisant, on peut simplement envisager de déplacer l’un des points de vente, en cherchant un site d’implantation au potentiel suffisant, sans cannibalisation.
Dans tous les cas, il est important de représenter ses zones de chalandise pour surveiller des cannibalisations possibles, et de prendre des décisions en accord avec la situation.
Conclusion
La cannibalisation des zones de chalandise est une problématique que rencontrent toutes les entreprises disposant d’un réseau de boutiques ou d’agences. Des solutions métier telles que Cartes & Données Online ou Articque Platform leur permettent de représenter leurs zones de chalandise pour choisir une implantation porteuse, sans pénaliser leur réseau existant, ou de surveiller les zones de chalandise de leur réseau établi pour prendre des mesures en cas de cannibalisation dangereuse.
Pour en savoir + :
- Comment créer une zone de chalandise ? >
- Pourquoi tracer une zone de chalandise ? >
- Calculer une zone de chalandise : les 9 critères à suivre >
À propos de l’auteur : Véronique MELIOT
J’ai rejoint Articque en 2017 pour créer des contenus web sur la cartographie et ses nombreuses applications métier, dans tous les domaines d’activité.