Publié le 09/11/2020 par Mathieu Boisseau | Mis à jour le : 12/01/2022 | 14 min de lecture
Sujets : Cartes & Données, Cartographie, cartographie thématique, Logiciel de cartographie
Comment créer une carte de qualité ?
Grâce aux logiciels accessibles sur le web, il est aujourd’hui possible de créer une carte facilement, en toute autonomie et sans être un expert de la cartographie. Cependant, la différence entre une bonne et une mauvaise carte se joue sur des détails décisifs. Une carte est un outil de communication qui, pour être efficace, doit éclairer la réflexion du lecteur sans le noyer sous un flot d’informations indigestes ni l’induire en erreur. Lorsque l’on conçoit une carte, il est nécessaire de se poser les questions qui garantiront la lisibilité de ce document :
- quelle est sa finalité : repérage, communication, analyse thématique ou carte pratique ?
- quel fond de cartes sélectionner pour qu’il soit adapté au niveau d’analyse (départemental, régional ou national…) ?
- quelles sont les informations importantes à représenter sur cette carte et sous quelle forme ?
- quelle mise en page choisir ?
Il est donc utile de connaître les principes de la sémiologie graphique – formalisés par Jacques Bertin – pour créer une carte mais également pour la lire et pour la décrypter. À l’heure des fake news, cette méthodologie a une importance certaine. Nous vous donnons dans cet article les bases pour créer une carte qui atteigne son objectif : être lue et bien comprise.
1. Les questions à se poser avant de créer une carte
Il existe une liste d’erreurs à éviter et de questions que le concepteur d’une carte doit nécessairement se poser. Les réponses détermineront ses choix pour sélectionner notamment le type et le fond de carte, les indicateurs, l’échelle, les représentations et la légende. Les questions à se poser avant de créer une carte sont les suivantes :
– où le phénomène est-il localisé ?
– quel est la nature du phénomène et quelle est sa répartition géographique ?
– quels sont les facteurs qui expliquent cette répartition ?
La carte sera efficace si elle répond à l’ensemble de ces questions. Et le concepteur atteindra son objectif s’il parvient à transmettre son message au lecteur de manière claire, compréhensible et adaptée à son support de communication (écran d’ordinateur ou carte papier). Une carte aboutie augmentera la compréhension d’un phénomène si elle met en tension différents facteurs explicatifs ou si elle permet de comparer plusieurs zones géographiques.
2. Les grands types de cartes
Le type de carte qui sera sélectionné par le concepteur dépend d’abord de la finalité de la carte. Plusieurs options sont envisageables, qui dépendent principalement du but poursuivi :
a) La carte de repérage
Offrant un double niveau de lecture, à la fois détaillé et global, la carte de repérage montre les traits organisateurs de l’espace. Son échelle varie du 1/25 000ème au 1/100 000ème.
Carte de repérage de la région lilloise (carte éditée par Blay-Foldex)
b) La carte de communication
Elle est conçue à destination d’un public défini lors d’une campagne de communication ou de marketing. La carte de communication possède différents types de représentations et des traitements spécifiques dans le but de transmettre efficacement un message précis.
Carte de communication éditée par Blay-Foldex
c) La carte dite pratique
Elle permet une lecture simple et adaptée pour se repérer et se déplacer au sein de réseaux routiers, de lignes de transports en commun, d’environnements urbains… La carte pratique permet de visualiser de manière synthétique certaines phénomènes comme la situation météorologique d’un territoire à un moment donné.
Carte dite pratique diffusée par la métropole de Tours
d) La carte thématique
Elle décrit la répartition d’un ou plusieurs phénomènes localisés. Il existe 3 types de cartographies thématiques : la carte d’inventaire, la carte d’aménagement et la carte statistique. La carte thématique illustre un type d’objet géographique (la végétation, le réseau hydrologique, la topographie, les entités administratives…) ou un attribut particulier (le PIB, la densité d’un phénomène ou la taille des villes…)
3. Les éléments indispensables pour créer une carte
Voici listées ci-dessous les informations qui doivent être présentes sur une carte pour assurer un minimum de lisibilité et une présentation cohérente.
a) Le titre
Le titre est le premier des éléments indispensables. Obligatoire, le titre doit être clair et comporter les informations essentielles de lieu et de temps (année ou intervalle de temps) ainsi que l’objet d’étude de la carte.
b) La légende
Chaque élément apparaissant dans la carte doit être signifié et expliqué dans la légende, comme par exemple les contours des communes ou des communautés de communes. La légende regroupe l’ensemble des symboles, des trames et des codes couleurs visibles dans la carte.
Les éléments constitutifs de la légende sont à classer de manière rationnelle, dans un seul et même cadre, afin d’éviter qu’ils soient dispersés dans la carte. Autre point important pour créer une carte : la légende doit être lisible et adaptée au support de lecture (papier ou écran). La taille du texte est donc l’un des paramètres à prendre en considération.
La légende est située dans la partie gauche de cette carte
c) L’orientation
Par convention, le nord géographique est toujours situé vers le haut de la carte. Il peut être symbolisé par une boussole, une rose des vents, une flèche circulaire ou verticale.
Symboles d’orientation dans une carte (de gauche à droite) : la boussole, la rose des vents, la flèche circulaire et la flèche verticale
d) L’échelle
Élément incontournable, l’échelle graphique permet d’exprimer des distances (kilomètres, mètres…) proportionnellement à la surface d’un plan. Elle donne donc des repères spatiaux au lecteur. Plus l’échelle est grande et plus sa précision est indispensable pour rendre compréhensibles les informations présentes sur la carte.
Exemple d’échelle présente sur une carte
e) La source
La source est à indiquer discrètement mais lisiblement dans une carte. C’est un élément qui a une grande importance pour valider et vérifier les informations. Elle donne de la crédibilité à une analyse et une légitimité à la carte.
f) Les étiquettes et les toponymes
Les étiquettes et les indications toponymiques sont intégrées dans la carte afin de localiser les villes principales (capitales, métropoles, préfectures, sous-préfectures…), de manière à ne pas la surcharger. Il est impossible par exemple de faire figurer le nom des 36000 communes françaises sur une carte nationale.
g) Le carton de localisation
Le carton de localisation permet de préciser la situation de la région cartographiée dans un ensemble plus grand (un pays, une région ou un département)… Les DOM-ROM ou les départements constituant l’Île-de-France sont souvent représentés dans un carton de localisation. Il est nécessaire de donner cette information aux lecteurs qui ignorent où se trouve précisément l’objet de l’étude. À noter que le carton de localisation est surtout visible sur un support papier, plus rarement pour de la cartographie numérique.
4. Créer une carte : les éléments de mise en page
La mise en page doit conjuguer précision scientifique, esthétisme et utilité en intégrant harmonieusement les informations essentielles de la carte. Elle est déterminée par l’angle d’approche du phénomène observé.
a) Le fond de carte
Le fond de carte est un élément déterminant puisqu’il sert de trame pour créer la carte. Y figurent l’ensemble des informations de base et la représentation des indicateurs sélectionnés. Composé de 3 éléments principaux (les surfaces, les lignes et les points), le fond de carte est géoréférencé, c’est-à-dire qu’il respecte un système de projection offrant la possibilité de se localiser.
Le fond de carte doit être actualisé et optimisé pour ne pas engendrer de difficulté de compréhension ni d’erreurs d’analyse. Un nombre de règles topographiques sont à respecter : il faut proscrire les superpositions et éviter d’intégrer trop de nœuds (ou pas assez) dans le fond de carte.
Si l’on prend l’exemple des fonds de cartes administratifs, la maille la plus fine est l’IRIS (Îlots Regroupés pour l’Information Statistique). La commune est l’unité politique la plus petite.
Les autres fonds de carte diffèrent selon l’unité d’analyse :
– à l’échelle européenne : NUTS (Nomenclature d’Unités Territoriales Statistiques).
– sur le plan administratif : la région, le département, le canton ou l’arrondissement municipal.
– sur le plan électoral : la circonscription ou le canton législatif.
b) La représentation des éléments
Disposition des éléments d’une carte
En règle générale, les éléments importants sont situés en haut à gauche de la carte. Les moins importants se concentrent davantage dans la diagonale vers le bas. Les titres sont indiqués en haut de la carte et les sources en bas. La mise en page d’une carte dépend de la forme d’un territoire (plutôt horizontale ou plutôt verticale), ce qui donne une disposition différente des éléments : à l’italienne ou à la française. L’idée directrice est de garder les éléments importants en haut (visibles au 1er coup d’œil) et les autres moins importants en bas (ceux qui ont moins besoin d’être lisibles).
Mise en page d’une carte à la française (à gauche) et à l’italienne (à droite)
c) Les variables visuelles et leurs caractéristiques
La forme d’un symbole
La forme d’un symbole peut être géométrique (carré, rectangle, cercle, triangle…) ou symbolique (pictogramme). La variable permet de transcrire une information qualitative. Pour la compréhension de la carte, il est recommandé de ne pas multiplier les formes.
La taille d’un symbole
La taille est la variation de la surface du symbole. Elle permet de transcrire des quantités absolues et d’exprimer des rapports numériques (notamment proportionnels) entre les phénomènes. La taille est toujours ordonnée.
La couleur
La couleur a un pouvoir qualitatif ainsi qu’une signification précise. C’est donc un paramètre important à prendre en compte pour créer une carte. Les évolutions négatives et positives sont la plupart du temps illustrées par des oppositions rouge/vert ou bleu/rouge dans le cas de données démographiques (le rouge étant associé à la valeur positive). Certains éléments topographiques ont des couleurs attitrées comme le vert foncé pour les forêts, les dégradés de bleu pour les zones maritimes et fluviales ou encore le violet pour la vigne.
Il est par ailleurs possible d’enrichir la signification d’un symbole en travaillant sa valeur, sa texture, son grain ou son orientation.
5. Créer une carte : les différentes représentations
Nous vous présentons maintenant les représentations les plus utilisées en cartographie, celles qui sont communément à votre disposition pour créer une carte. Le choix de la représentation dépend de la nature du phénomène à illustrer, avec un but essentiel à atteindre : la compréhension de votre carte.
a) Les représentations les plus fréquentes
La carte choroplèthe
Elles se basent sur le remplissage et des dégradés de couleur. Les données sur la carte sont divisées sous forme de fourchettes de valeurs qui illustrent leur amplitude et leur dispersion géographique. C’est ce que l’on nomme la discrétisation. Pour être pertinente, une discrétisation doit éviter le piège de la subjectivité et en conséquence être la plus objective possible. L’idéal est de créer une carte possédant des classes de valeurs à la fois homogènes et bien distinctes.
Les symboles
Il est possible de représenter des données en variant la taille d’un symbole défini en fonction d’une variable (comme par exemple la population au sein des communes d’un département). Dans le cas de symboles proportionnels, leur surface varie en fonction de la valeur qu’ils représentent.
b) La représentation d’habillage
L’habillage d’une carte peut être réalisé à l’aide de tuiles, d’étiquettes ou de contours. Il s’agit de représentations intéressantes mais délicates à utiliser, surtout si l’on souhaite conserver une carte lisible.
c) Les mini-graphiques
Les demi-cercles affrontés
Ils permettent de confronter deux variables comme par exemple, dans le cas de la crise du coronavirus/covid 19, le nombre de cas confirmés ou le nombre de décès par rapport à la population d’un pays.
Le diagramme à secteurs
Le diagramme à secteurs associe plusieurs données d’un même territoire. C’est une représentation intéressante pour montrer des proportions. Il est possible de déterminer la couleur associée à chaque variable ainsi que celle des contours des diagrammes. Il faut faire attention à ne pas multiplier les diagrammes car la carte devient rapidement illisible.
L’histogramme
L’histogramme est utilisé pour visualiser l’évolution dans le temps d’un phénomène ou pour comparer les performances de plusieurs types de produits sur des territoires. Dans un souci de lisibilité, il est nécessaire d’éviter de multiplier les barres d’histogramme sur une même carte.
d) Les représentations de mobilité
C’est un moyen idéal pour montrer des mobilités, des déplacements ou des flux entre un et plusieurs points. Il est conseillé de faire varier la taille et l’épaisseur des flèches, les couleurs illustrant les types de flux. Ces cartes sont utilisées pour représenter des dynamiques de population, par exemple le trajet entre le domicile le travail ou, en économie, les flux logistiques entre les importations et les exportations.
Exemple de carte de flux
e) Les représentations par déformation
Ces représentations, qui contrastent avec les précédentes, sont directement liées à l’essor de la cartographie informatique.
La carte en anamorphose
Le but de la carte en anamorphose est de représenter un phénomène en déformant les surfaces des entités d’un fond de carte, tout en conservant leur forme pour qu’elles soient visibles. Si les variables sont très différentes d’un territoire à un autre, la carte est très déformée et il devient très compliqué de se représenter mentalement le territoire.
La carte en élévation 3D
C’est également une déformation du territoire, non pas en surface comme pour la carte en anamorphose, mais en hauteur. Le but de la carte en élévation 3D est de montrer des pics et des creux qui soient explicites.
f) Les nouveaux types de représentation
Avec le développement des cartes dites dynamiques via le webmapping, de nouvelles représentations donnent davantage de précision et d’informations qualifiées au lecteur, à différents niveaux de lecture :
Le cluster
Un cluster rassemble sur une carte un nombre de points proches les uns des autres au sein d’un même groupe (par exemple, les magasins présents dans un centre commercial). Ces points se séparent ensuite à chaque niveau de zoom. Les informations présentes pour chaque point sont affichées au survol.
L’animation temporelle
Elle a l’avantage de créer une évolution chronologique automatiquement. L’utilisateur a la possibilité de la stopper ou de se concentrer sur un événement en particulier à une date précise.
Les couches d’information, les filtres et les graphiques
Les multiples couches d’information présentes dans les cartes thématiques permettent d’interroger des échelles différentes, au zoom ou au clic. Le lecteur peut ainsi afficher de manière dynamique des informations propres à chaque couche (au niveau international, national ou régional par exemple). Il a également la possibilité d’activer des filtres afin d’afficher ou de cacher certains indicateurs thématiques (évolution d’un phénomène à l’échelle du monde et déclinaison à l’échelle de la France ou d’un département). La carte thématique propose aussi des graphiques ou des tableaux statistiques qui viennent enrichir la réflexion du lecteur.
Conclusion
Créer une carte n’a jamais semblé aussi simple tant les logiciels de cartographie numérique foisonnent sur le web. Dans le même temps, la cartographie n’a jamais été aussi présente dans notre société. Les cartes de mauvaise qualité diffusées dans la presse en ligne ou dans le cadre de l’entreprise sont respectivement synonymes de désinformation et de mauvaise décision stratégique. Les principes de sémiologie graphique énoncés dans cet article sont autant de paramètres qui conditionnent la réussite d’une carte. Une initiation préalable aux notions de base de la cartographie et l’utilisation d’un logiciel de cartographie numérique comme Cartes & Données sont des atouts indéniables pour créer une carte lisible et compréhensible.
À propos de l’auteur : Mathieu Boisseau
J’ai rejoint Articque en tant que rédacteur SEO afin de créer des contenus dédiés au monde de la cartographie statistique.