Publié le 23/07/2024 par Dylan Fournier | Mis à jour le : 12/08/2024 | 4 min de lecture
Sujets : Carte d'actualité, cartographie thématique, élection
Elections législatives 2024 : la représentation cartographique des résultats peut être source d’erreurs d’interprétation
Avec les dernières élections législatives, on a vu se multiplier les cartographies sur lesquelles les circonscriptions électorales étaient teintées de la couleur du mouvement du (de la) député(e) élu(e). Cette carte est intéressante si on s’en tient à l’information qu’elle véhicule : le camp politique de l’élu(e). Mais on ne peut pas extrapoler pour en déduire comment votent les électeurs d’une circonscription donnée.
Circonscription et représentativité
Détermination des circonscriptions
Pour les élections législatives, la France est découpée en 577 circonscriptions électorales (539 en France métropolitaine, 19 dans les DROM, 8 dans les COM et 11 pour les Français de l’étranger), lesquelles n’ont rien en commun les unes avec les autres. Le nombre d’inscrits varie entre les circonscriptions les plus peuplées et celles avec très peu d’électeurs comme à Saint Pierre et Miquelon ou dans les territoires ruraux de France métropolitaine (2ème circonscription des Hautes Alpes par exemple). Plus un département compte d’habitants, plus il sera divisé en un nombre important de circonscriptions comptant un nombre élevé d’électeurs.
Les circonscriptions ne peuvent donc pas être comparées entre elles, n’ayant en commun ni la superficie ni le nombre d’électeurs. Avec ce type de cartes, on ne peut que suivre dans le temps l’évolution politique des élu(e)s d’une élection législative à l’autre.
Quels enseignements tirer de la représentation cartographique des élus
Il est tentant de poursuivre un peu rapidement l’analyse pour en déduire comment votent les électeurs d’une circonscription.
C’est pourtant une erreur ; ainsi, s’il est évident que le vote Rassemblement National a globalement beaucoup progressé, on ne peut pas dire comme on l’a entendu, que les départements ruraux concentrent un vote Rassemblement National au contraire des agglomérations. C’est oublier les différences sociologiques des populations : en territoire rural, les personnes sont statistiquement plus âgées et moins diplômées que dans les villes, 2 caractéristiques majeures du vote Rassemblement National.
Le vote Rassemblement National est moins lié au fait d’habiter dans un territoire rural qu’au niveau d’études et à l’âge. Pourtant si l’on s’en tient juste à couleur politique de l’élu(e), on peut faire rapidement ce genre de raccourci.
Proposer une représentation cartographique en lien avec les phénomènes à analyser
La Carte en anamorphose
Mais comment y remédier ? Pour présenter une cartographie qui dépasse ces biais, il est nécessaire de faire une carte en anamorphose (encore appelée cartogramme). Il s’agit d’une carte qui déforme les surfaces représentées (ici les circonscriptions) pour ne plus leur attribuer leur taille géographique « normale », mais une taille fonction de données. Cette taille doit rester suffisamment proche de l’original pour qu’on puisse se repérer.
Ainsi, sur la carte des député(e)s par circonscription dont nous avons précédemment parlé, la taille de chaque circonscription correspond à son emprise territoriale : les circonscriptions parisiennes et plus généralement d’Ile de France sont très peu visibles par rapport aux circonscriptions rurales, car géographiquement très petites. Pourtant, Paris regroupe à elle seule 18 circonscriptions (et donc 18 élus), avec dans chacune un grand nombre d’électeurs.
Carte « classique » vs cartogramme
Cartes & Données Online ou Articque Platform permettent de faire des cartes en anamorphose avec le module Cartogramme.
Nous avons ainsi réalisé une carte en anamorphose pour rendre leur « vraie » taille aux circonscriptions.
On compare sur les 2 cartes ci-dessous les différences de représentation : à gauche, une vue « classique » des circonscriptions avec la couleur de la nuance politique du vainqueur ; à droite, une autre version dans laquelle on rend la surface des circonscriptions proportionnelle au nombre de voix obtenues par le candidat élu (données métropole et DROM uniquement, source Ministère de l’Intérieur).
La carte en anamorphose redonne leur « vrai poids » aux circonscriptions en fonction des nuances politiques. On voit notamment mieux le poids en nombre de voix de la zone Paris-Ile de France, qui est complètement masqué dans la carte « classique ». La représentation en anamorphose permet de relativiser l’interprétation des cartes pour proposer des analyses en lien avec les phénomènes que l’on veut expliquer.
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Conclusion
La cartographie peut être source d’erreur ; grâce au géodécisionnel, on représente des résultats statistiques sur un territoire géographique. Mais il faut faire attention aux conclusions qu’on en tire. Les résultats des élections législatives par circonscription (et en fonction de la couleur politique de l’élu) en sont un excellent exemple, les circonscriptions étant toutes différentes en taille, nombre d’électeurs et constitution sociologique des électorats. La carte en anamorphose est indispensable pour rendre réellement compte des phénomènes.
Des chercheurs comme Hervé Théry, Directeur de recherche émérite au CNRS-Creda et professeur invité à l’université de São Paulo (USP-PPGH), utilise l’anamorphose dans ses cartographies pour mettre en avant des phénomènes complexes :
https://www.articque.com/herve-thery-carte-etats-bresiliens-braises/