Emmanuel Vigneron
Emmanuel Vigneron : « Le logiciel de cartographie Cartes & Données libère l’esprit du géographe »
Articque et son logiciel de cartographie Cartes & Données ont aujourd’hui plus de 30 ans d’existence. Leur histoire a été jalonnée de rencontres décisives notamment avec la galaxie Apple (en particulier Jean-Louis Gassée et un certain Steve Jobs) et avec la sphère universitaire, représentée par Hervé Théry et Emmanuel Vigneron. Ce dernier, professeur agrégé de géographie à l’université de Montpellier III, est spécialiste de la géographie de la santé. Accompagnant Articque depuis ses origines, il s’est mué en utilisateur du logiciel de cartographie Cartes & Données puis en ambassadeur du programme Geocampus. Il revient sur la genèse de l’aventure Articque, sur sa rencontre avec Georges-Antoine Strauch et sur les atouts de Cartes & Données.
Les questions posées à Emmanuel Vigneron, professeur de géographie à l’université de Montpellier III :
1. En tant que géographe, quelle est votre conception de la cartographie ?
2. De quand date votre appétence pour les cartes et pour les données ?
3. Quel a été le déclic pour utiliser un logiciel de cartographie numérique et plus particulièrement Cartes & Données ?
4. De quand date votre rencontre avec Articque et Georges-Antoine Strauch ?
5. Comment jugez-vous le développement d’Articque et de son logiciel de cartographie ?
6. Quelles sont les autres qualités du logiciel de cartographie Cartes & Données ?
1. En tant que géographe, quelle est votre conception de la cartographie ?
Emmanuel Vigneron : « La première fonction de la carte est de servir la découverte de la vérité. Elle doit poser des hypothèses, stimuler l’esprit. La carte est donc heuristique. Cette idée heuristique est très proche de la conception des géographes de la Maison de la Géographie de Montpellier comme Roger Brunet, Robert Ferras, Franck Auriac, Thérèse Saint-Julien et Denise Pumain, qui ont été les Maîtres de ma génération. C’était aussi la conception de certains géographes de la génération précédente comme Jacqueline Beaujeu-Garnier, qui m’a beaucoup accompagné dans ma formation. Pour eux tous comme pour Roger Brunet, qui était avant tout un littéraire, une corrélation entre deux phénomènes n’était pas raison. C’était aussi la conception que nous en avions à la DATAR autour de Jean-Louis Guigou. La carte montre mais ne démontre rien. Elle peut même assez facilement mentir. En conséquence, Brunet était prudent et collectait différentes cartes sur un même sujet avant, lors d’un brainstorming, de choisir la plus pertinente.
J’ai trouvé que cette manière de faire était la plus vivante et la plus fructueuse : la carte doit être un outil d’investigation et non un chef d’œuvre qui ne sert qu’à illustrer. On se fiche qu’une carte soit belle, il faut d’abord qu’elle soit utile. Il faut éviter de faire de l’art pour l’art car on perd de vue le but de la cartographie pour privilégier la forme. »
2. De quand date votre appétence pour les cartes et pour les données ?
Emmanuel Vigneron : « Je suis intéressé par les mathématiques depuis longtemps et, très tôt, j’ai aimé faire de l’analyse statistique, et plus particulièrement de l’analyse factorielle. J’ai d’ailleurs été publié dans diverses revues multi-disciplinaires à l’époque où l’analyse des données avec Benzecri, Escoffier, Lebart, Fénelon se développait. Franck Auriac, Michel Vigouroux et Jean-Paul Volle m’ont accordé, dès la première année, de participer à leurs travaux. La géographie de la santé, qui m’était enseignée de la plus belle manière intellectuelle et pédagogique par Henri Picheral, m’est apparue comme un domaine extraordinaire pour l’interprétation des données, le développement des statistiques et l’analyse spatiale en géographie. D’ailleurs, Peter Hagett, le géant de la géographie quantitative, s’est lui aussi passionné pour le traitement des données géographiques de santé.
J’ai une dette plus tardive pour d’autres géographes qui m’ont marqués et accompagnés. J’ai pu être proche de certains dont j’aimais le côté lyrique et littéraire : Robert Ferras, Etienne Dalmasso ou à l’inverse rigoureux comme Marie-Claude Maurel et Antoine Bailly. Et puis, durant ma formation à l’université de Montpellier, je me rendu compte que j’aimais dessiner, colorier et faire des cartes. J’ai été sensibilisé à la cartographie numérique au contact de chercheurs et d’ingénieurs présents au GIP Reclus de Montpellier. On laissait libre court à notre créativité lors de nos discussions. »
3. Quel a été le déclic pour utiliser un logiciel de cartographie numérique et plus particulièrement Cartes & Données ?
Emmanuel Vigneron : « En 1985, alors que je travaillais sur ma thèse de géographie ‘Hommes et santé en Polynésie française’, j’ai été contacté pour assurer la co-direction d’un Atlas de la Polynésie française et en même temps pour rédiger des planches et des notices.
Cet ouvrage, le dernier des grands Atlas régionaux français publiés entre 1960 et 1990 a été l’un des premiers Atlas dont les maquettes ont pu être dessinées avec des ordinateurs. Certes, cela n’avait rien à voir avec les logiciels de cartographie d’aujourd’hui mais la cartographie numérique de l’époque était révolutionnaire, tellement moins chronophage et moins laborieuse que la cartographie classique ! Plus besoin, par exemple, d’utiliser et de jeter des films de travail sans arrêt.
Le logiciel Cartes & Données, qui est apparu en même temps que l’informatique, a été perçu d’emblée comme un logiciel très intuitif, conçu par des personnes qui avaient certainement commencé par dessiner des cartes à la main avec une règle, un Rotring (instrument précieux aujourd’hui oublié), une calculatrice ou en s’aidant d’un ordinateur. Cette belle philosophie intuitive correspondait au fond à la façon dont on avait appris à faire des cartes à l’université. La cartographie n’est pas un but en soi, cela s’apprend facilement. En revanche, il faut toujours avoir Cartes & Données dans sa poche pour bien travailler, pour envisager la carte autrement que comme un chef d’œuvre. »
Cartographie des données GHT en France réalisée avec le logiciel Cartes & Données
4. De quand date votre rencontre avec Articque et avec Georges-Antoine Strauch ?
Emmanuel Vigneron : « Je me suis procuré, par l’intermédiaire de l’université, le logiciel Cartes & Données dans sa toute première version à la fin des années 1980. À ce moment-là, Articque avait déjà mis en place l’ancêtre de son programme actuel Geocampus, destiné à proposer aux professeurs universitaires et aux étudiants des versions light du logiciel Cartes & Données à peu de frais. Je suis devenu un soutien et un promoteur du Cartes & Données auprès de mes étudiants, en liaison avec Hélène Auguet. J’ai même occupé, à la fin des années 1990, la présidence du comité scientifique d’Articque, qui comptait également en son sein mon camarade Hervé Théry.
Georges-Antoine Strauch a toujours voulu savoir qui étaient ses clients et comment ils utilisaient le logiciel Cartes & Données. Nous avons vite sympathisé : lors de nos échanges, je lui signalais des problèmes et des pistes d’amélioration possibles pour Cartes & Données. Et, immédiatement, les équipes R&D d’Articque se mettaient au travail. »
5. Comment jugez-vous le développement d’Articque et de son logiciel de cartographie ?
Emmanuel Vigneron : « Dès l’origine, Articque a su soigner le suivi du besoin et la relation client. Georges-Antoine Strauch et Hélène Auguet ont réussi à créer un lien fort avec l’utilisateur. Le support technique a toujours été extraordinaire et très pédagogue avec tous les utilisateurs sans distinctions. On obtient une réponse rapidement, dans la journée. Et elle est toujours performante. Ce n’est pas un hasard si certaines grandes entreprises françaises sont clientes d’Articque depuis des décennies et font encore confiance à Cartes & Données aujourd’hui ! C’est exceptionnel. Tout un chacun peut remarquer que, d’année en année, le nombre de clients d’Articque augmente, attirant des noms de clients toujours plus prestigieux.
Bien que localisé à Fondettes, Articque a su se développer à une échelle modeste, dans un créneau particulier, sans se faire manger par les gros éditeurs de logiciels. Articque a réussi à développer sa R&D, maintenir son cap sans faire perpétuellement de nouvelles versions et sans que le passage d’une version à une autre soit onéreux pour l’utilisateur (à la différence des grosses entreprises du secteur qui font payer à chaque fois). Aujourd’hui, Cartes & Données est un logiciel qui a une trentaine d’années mais qui est toujours à jour : le développement se poursuit. J’y vois là un premier gage de qualité. »